Je ne suis qu’un funambule suspendu à un fil qui vacille entre deux tiges. Une âme ayant perdue son humanité au tréfonds d’un verre d’alcool, le plus souvent ambré. Entends-tu mon chant arriver à tes oreilles, toi le marin perdu ? Vois-tu ces yeux bleus ornés de cristaux appeler à l’aide ? Où est passée cette petite fille souriante et enjouée ? Envolée avec sa mémoire. Bien sûr, chaque individu se retrouve comédien et c’est avec malice que j’aime me dissimuler derrière un masque. Disney était mon rêve. Il s’est transformé en mon pire cauchemar …

Chaque humain à ses états d’âme, chaque personne a sa conception de la vie. Si je devais me décrire, je dirais que je suis fade, sans aucune saveur bien que ces messieurs s’évertuent à dire le contraire lorsqu’ils sortent de mes draps blancs. Mais les subterfuges paient toujours et je m’évertue à être celle que j’aimerais devenir. Celle qui ne connaissait pas l’Enfer pour vivre. Celle qui, la vision floue, s’est retrouvée dans un ascenseur sans plus savoir quoi faire de sa vie …

L’Enfer, c’est les autres. Sartre a peut-être raison. Est-ce mon passif qui m’a créée aussi froide et désintéressée ? Aussi réservée et pourtant, qui ne demande qu’à ce qu’on lui tende la main. Petite fille au grand cœur, jeune femme à l’armure impénétrable. Les règles dictaient ma vie et, aujourd’hui, elles ne sont faites que pour être enfreintes. Sourires forcés, politesse inférieure. Fille dépravée et sans retenue. Ô Avalon, qui es-tu devenue ?

Tout individu normalement constitué a une histoire propre. Des souvenirs et un passif qui servent à forger la personne que l’on est aujourd’hui et à appréhender le futur. Moi, pas. La seule chose que je sais, c’est comment je m’appelle et que j’aime les graines de tournesol. Quoi, y a un problème ? Je ne sais même pas si Avalon fait partie de ma vie où si j’étais trop passionnée par la légende du Roi Arthur pour que mon subconscient me fasse dire ce prénom à la sortie de l’ascenseur. Quoi qu’il en soit, cette amnésie ne m’empêche pas e me réveiller en sueur en plein milieu de la nuit, les ténèbres s’étant emparés de mon esprit. Je vois un visage, des masques et des seringues. Étais-je donc internée ? Je n’en ai pas la moindre idée et, franchement, je ne préfère pas le savoir.
A présent, je me retrouve fille de joie au bordel, offrant mon cœur à qui le veut bien. Lorsque l’on échoue dans un monde aussi bizarre et tortueux, il faut bien se sortir de l’embarras comme l’on peut. C’est ainsi que l’on se noie dans ses fantômes mais qu’importe. Personne ne sera là pour me sauver ...

Je ne savais que faire à la sortie de l’ascendeur. Il me fallait dire un nom, décliner mon identité et mon âge voir mes souvenirs mais tout ça n’a été que pur invention. Je ne sais pas qui je suis ni d’où je viens. Quand il a fallu s’installer, j’ai pris le premier métier qui venait afin de ne pas finir à la rue en train de mendier pour quelque argent que ce soit. Donner mon corps semblait la meilleure solution et me perdre dans l’alcool, la meilleure échappatoire. Comment se trouver un métier gratifiant lorsque l’amnésie a recouvert notre histoire ? Qu’est-ce que la confiance en soi ? L’amour ? La dignité ? Tout ceci, je l’ai oublié comme la plupart des noms de mes clients. Le boulot facile qu’ils disaient. Oui, mais le boulot qui te vole tes états d’âmes …